Les enfants actuellement accueuillis à la maison sont pour la plupart scolarisés en maternelle.
La maternelle c'est la petite école ou l'on apprend à "être élève", à communiquer, prendre la parole, répondre, argumenter, s'opposer, se repérer, dans l'espace familier et abstrait (la planeeeete !), et dans le groupe.
Le groupe est un moteur puissant de progrès dans les acquisitions souhaitables... comme dans celles que l'on souhaiterait éviter.
Parmi les acquisitions "discutables", il y a les mots qui sont plus gros que celui du voisin/du copain/de machin...
En effet pour parler plus fort, rien de plus efficace que d'utiliser les grands mots (les mots de grands quoi), qui précisément ne sont pas adaptés aux petites bouches précieuses de nos têtes blondes.
Quelle surprise d'entendre un enfant de 3 ans qui se fait mal, dire : p"""tain.
Évidemment mon sang ne fait qu'un tour.
La question est : comment réagir ?
Les enfants savent qu'ils utilisent des mots de grands qu'ils n'ont pas le droit de prononcer car : " c'est pas très beau".
Ils savent que les adultes disent parfois des bêtises (moi compris) qu'ils regrettent aussitôt, mais une fois le mot interdit sorti de sa boîte, il y a peu de chance qu'il soit oublié
aussitôt.
Oublie-t-on le mot magique qui fait sursauter les adultes, qui montre qu'à trois ou quatre ans on est grand, qu'on est un vrai partenaire de discussion (et de négociation) ?
Au delà du plaisir de se hisser sur un pied d'égalité ("c'est pas toi qui décide!" m'explique mon fils de 4 ans), il y a le plaisir de provoquer, car les gros mots sont un levier pour faire
(sur-)réagir les adultes.
De même en tant qu'adulte, nous faisons la même chose (que les enfants) en tentant de trouver en permanence des leviers inédits pour obtenir un résultat acceptable de nos partenaires de discussion.
Ne pas sur réagir, ne pas réagir, ou réagir avec un calme olympien, quelle que soit la réponse donnée, elle est fausse.
Dans le premier cas, c'est un signe de victoire pour l'enfant, dans le second, c'est un encouragement à continuer, dans le dernier c'est une autorisation mi figue-mi raisin chez l'adulte et pour l'enfant, un moteur pour continuer à progresser dans cette voie.
Quel casse tête !
Nul doute qu'il existe des livres consacrés au sujet (non encore lus) mais les gros mots qui sont socialement blâmables chez les tous petits, sont ils si graves dans l'absolu ?
Les mots gros montrent que les enfants grandissent, qu'ils échappent progressivement à notre emprise maternelle/paternelle toute puissante, pour entrer dans le groupe des copains avec ses codes, connus d'eux seuls et qu'ils cultivent ostensiblement pour se démarquer.
- "c'est pas toi qui décides" ! qui me revient régulièrement comme un refrain, montre précisément que si ! (et donc le combat pour me montrer le contraire fait rage).
Mais cette lutte de pouvoir entre enfants et adultes, par l'intermédiaire de "grands mots" et de "mots de grands" montre aussi que les enfants grandissent et que les adultes doivent accepter de les laisser grandir, et de leur faire une vraie place en tant qu'individu.
Accessoirement, l'adulte doit aussi accepter de grandir à son tour, voire même de vieillir (brrrr....!)
Merci à mon grand garçon (de 4 ans) me montrer tout ça (même si c'est un peu dur à avaler)...
Pour aller plus loin ou revenir un peu en arrière, voici ce qui a été vu précdemment sur le blog sur un thème similaire :
Les premières identifications de l'enfant, les figures de anti-héros
http://www.fannyassmat.fr/article-ce-ruse-de-renard-115281540.html
Les grosses colères du petit enfant...le difficile apprentissage de la frustration
http://www.fannyassmat.fr/article-les-livres-des-enfants-en-colere-120639830.html
Le début des questions existentielles...
http://www.fannyassmat.fr/search/questions%20existentielles/
La naissance de l'empathie
http://www.fannyassmat.fr/article-la-naissance-de-l-empathie-115553071.htm