Les enfants scolarisés en maternelle entrent déjà dans ce qui s'appelle "la communauté culturelle".
Ils apprennent à parler, à se repérer dans l'espace familier puis abstrait, à acquérir une culture du collectif et une culture commune. Cette entrée dans la communauté (scolaire) entraine
parallèlement l'esquisse de leur identité et donc "leur petit caractère". Pour exister dans le groupe, il faut apprendre à s'affirmer (parfois haut et fort).
Cette évolution est "normale". Elle est visée par les instituteurs qui parviennent à faire entrer les enfants dans la collectivité et sortir du nombrilisme de la petite enfance. Elle est
également applaudie par les parents qui s'étonnent de l'évolution rapide et étonnante de leur enfant.
Cependant, face à cette affirmation forte de sa personnalité chez les enfants, je me retrouve en tant que maman et assistante maternelle (quel embrouillamini déjà) dans le rôle de la méchante qui
refuse tout en bloc.
Mes refus têtus se multiplient d'autant plus, lorsqu'on me fait la même demande 10 fois de suite en 4 minutes (multiplié par x enfants).
Dans ces moments d'opposition, j'ai l'impression d'être la sorcière mal lunée qui empêche les enfants de grandir et de se libérer de la maison en pain d'épices factice.
Pour me montrer "de quel bois ils se chauffent", ils me font donc avaler des couleuvres en nombre...(en même temps, pour une sorcière).
Mais une libération franche de leur " potentiel exponentiel" ne m'exposerai t'il pas à plus ou moins brève échéance à un incident notable, avec à la clef un procès pour négligence de la part de
toutes les personnes qui ont la chance d'avoir le rôle de la gentille fée ?
( A ce titre cette gentille fée n'apparaît jamais bien longtemps dans les dessins animés. Pinocchio et Cendrillon ne démentiront pas).
J'ai donc régulièrement l'impression d'être l'affreuse grincheuse qui garde prisonniers les enfants innocents, dans un but qu'on ne connaît qu'à la fin de l'histoire.
Pour aller un peu plus loin dans cette histoire qui fait frémir (notamment moi, dans le rôle inattendu de la sorcière), qui est cette sorcière et qui est la fée "en vrai" ?
Pour avoir lu il y a quelques siècles, quelques ouvrages théoriques sur la morphologie et la signification des contes (Vladimir Propp et Bruno Bettelheim, pour les courageux lecteurs), il s'avère
que la sorcière n'est finalement pas si différente de la fée.
Elles sont chacune une partie de la mère à la fois bonne et sévère, à la fois protectrice et parfois castratrice, à la fois rassurante et inquiétante.
La, nous n'embarquerons pas sur le navire de la psychologie ou de la psychanalyse infantile (pourtant intéressant) car ce n'est pas l'endroit, mais les marins qui cherchent l'étoile dans le ciel,
peuvent l'y chercher.
La méchante sorcière et la gentille fée ne sont donc souvent qu'une même personne dans l'imaginaire des enfants. (Je m'étonnais aussi que cette "Marraine Bonne fée" dans Cendrillon, ne se
manifeste qu'au moment du bal donné par le prince. Que sa protégée soit exploitée par sa belle mère, ses sœurs, ou qu'elle dorme dans la cendre de la cheminée pour avoir moins froid, ne l'avait
pas beaucoup préoccupée jusque-là....
Peut être que "marraine la bonne fée" a t'elle vu une occasion utile de "caser" sa filleule...avec toutes les bonnes raisons qu'elle ne dira pas).
Faut il donc assumer ce rôle de méchante grincheuse qui n'est pas si méchante au fond ? ( même si la fatigue, le manque de temps et d'apprets me font ressembler à un être hirsute à longueur de
journée ?)
Pour me consoler de ce rôle terrible, je me raccroche aux petits mots gentils des enfants, qui quotidiennement, malgré mes gronderies et interdictions, me disent tous les jours :" tu sais, je
t'aime très fort" (ou "je t'aime bien") ou je t'adore"...
ouf, sauvée...
Pour aller plus loin ou revenir un peu en arrière, voici ce qui a déjà été dit sur l'univers des sorcières (littéraires ou pas) sur ce blog
La sorcière qui fait pas peur (pour les enfants de petite section de maternelle)
Le repas du Gruffalo, dernier coup de coeur de la maison
Le gros serpent visqueux de la miss (deux ans et demi)
Chauve qui peut ! c'est halloween
Pour les courageux curieux, voici les références mentionnées plus haut (liste non exhaustive)
- la morphologie du contes, Vladimir Propp (proposé en livre format poche) link
- psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim (également proposé en format poche) link