Lorsqu'on pense "livre", on pense aussitôt à "texte".
Les livres sont en effet rarement exempt de texte : qu'il se présente sous forme de narration (dans les livres de contes, d'histoires) ou sous forme d'explication (dans les ouvrages "techniques" de découvertes, comme les revues ou les imagiers des tout petits).
Bref, un livre nous parle et nous parle gràce "aux écritures dedans" (terme technique employé par Ch*** 5 ans).
En tant qu'adulte, nous avons aussi tendance à ne voir que l'écriture dans un ouvrage (difficile d'imaginer Victor Hugo sans ses milliers de lignes écrites dans des livres en forme de pavés).
Oui, mais....il existe depuis quelques années, des livres sans écritures.
Voilà une présentation étrange, déroutante.
Comment peut-on lire ou raconter un livre sans texte, et surtout à quoi ça sert ?
Pour avoir des réponses, il faut s'y "plonger", s'immerger dans ce "texte sans texte" et nager à vue.
Dans un ouvrage habité par des images uniquement, il faut lire les images qui sont les seuls support de narration, il faut tout regarder bien attentivement car chaque détail compte, et aucun détail n'est laissé au hasard.
Pour donner un exemple concret, l'ouvrage "Prédateurs" d'Antoine Guillopé (déjà vu sur ce blog), est l'exemple phare de ce type d'ouvrage.
Page après page, le lecteur devient observateur et même enquêteur pour comprendre dans quelle histoire il s'embarque.
Le lecteur doit scruter les détails de chaque image et les interpréter pour savoir ce qui se passe : "il y a un hibou en haut d'un arbre, il regarde dans l'herbe".
Chaque page nouvelle, apporte un élément de narration caché dans l'image : "le hibou s'envole et l'herbe bouge"..."il y a un loup qui regarde".
Le lecteur n'a pas besoin de savoir déchiffrer les lettres et les mots pour "lire" car la lecture devient un travail d'observation et de décryptage, via la spéculation : "mais pourquoi, il s'envole le hibou?/peut-être qu'il a vu quelque chose, peut-être qu'il a peur/peut-être qu'il est fatigué..."
Mais au delà de ce travail d'observation et de spéculation (d'imaginaire) chez le lecteur de tout âge, les auteurs des livres graphiques sans texte, jouent encore sur la mémorisation.
Les histoires sans texte racontent parfois des contes bien connus (et reconnus). Les enfants doivent alors reconnaitre de quelle histoire il s'agit et l'expliquer, étape par étape.
Rascal propose ainsi avec son ouvrage "Boucle d'or et les trois ours", une relecture du conte de Boucle d'or, en image "noir et blanc".
Les enfants peuvent alors "raconter" le conte en s'appuyant sur les images, et avoir l'impression de lire un livre.
Rascal joue sur la culture littéraire première des enfants, celle des contes, pour provoquer une première forme de lecture.
Les enfants entrent ainsi dans l'imaginaire littéraire collectif (et dans la culture), s'initient aux mots en parlant, en expliquant aux autres ce qui apparait sur les pages, et mémorisent des contes avec étapes.
En voilà une série d'apprentissages, "mine de rien"....
Bravo les auteurs jeunesse ;)
pssst, ces ouvrages sont notamment disponibles ici :
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sans oublier l'inénarrable Anthony Browne, que nous aimons particulièrement